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Management : pour un laisser-faire qui ne soit jamais un laisser-aller

1) Le manageur pris dans une double tension

Une des difficultés majeures du responsable de structure de notre secteur est de ne pas se laisser aller à la maîtrise du système qu’il pilote et à son geste conséquent : le contrôle. Affirmer cela pose une double question. L’une concerne le style de management, l’autre le contexte actuel de notre secteur social.

De tout temps, diriger une structure sollicite le responsable hiérarchique dans sa capacité à conduire les acteurs humains qui la composent et à leur réclamer d’être en accord avec la visée de l’institution (entendue comme service ou dispositif). Mais bien des habitudes culturelles habillent cette nécessité d’un classique exercice du pouvoir, qui place les acteurs humains en exécutants d’une volonté claire et, si possible, juste. Pour le manageur, il suffit de quelques résonances avec une éducation reçue dans l’enfance, conjuguées à une conception mécaniciste de l’institution, pour que le style de management prenne pour allant-de-soi une façon de diriger descendante et peu disposée au débat.

Mais une difficulté surgit : comment concilier ce style de management avec les affirmations d’un secteur qui veut prendre appui sur la participation des personnes accompagnées, leur capacité d’agir, de décider pour elles-mêmes de leur vie ? Une cohérence est-elle possible lorsque la visée (au sens de la définition de la notion de projet par Ardoino. J.) de l’institution est l’autonomie des personnes accompagnées alors que le management ne soutient pas les professionnels dans leur propre autonomie ? 

Soyons clairs :

Un professionnel qui se vit sous surveillance, sans pouvoir d’agir propre et sans marges d’initiative ne peut pas promouvoir la participation et l’auto-détermination des personnes qu’il accompagne.

Le dirigeant tenté de mettre en œuvre un style de management directif et contrôleur doit donc affronter une première tension avec la visée même de l’institution qu’il dirige. Il peut arriver que ce style lui convienne, car sa personnalité est depuis longtemps orientée vers des postures et des expressions à tendance dirigiste. Dans ce cas, la tension liée à la cohérence de l’ensemble institutionnel peut le mettre en conflit avec lui-même, car il devra alors s’inscrire dans un cheminement personnel pour inventer d’autres pratiques de management, remaniant son style, apprenant à faire confiance aux professionnels.

Mais c’est sans compter sur un contexte qui, lui, vient renforcer cette forme de dirigeance directive. Car l’institution sociale est enchâssée dans un appareil qui multiplie les injonctions : obligations réglementaires, cadrages normatifs, modèles de bonnes pratiques, remontée des données pour une comparaison des coûts, etc.

Cette pression réelle, et souvent accompagnée d’un amplificateur imaginaire, met le responsable de structure dans une injonction paradoxale.

D’une part un contexte qui pousse à resserrer les lignes, à tendre le système, à réduire toute marge, annuler toute « niche » ; de l’autre des politiques publiques d’une belle philosophie qui demandent une participation accrue des personnes accompagnées, une possibilité réelle de choix dans leur vie, choix non réductibles à ce que le secteur a conçu pour elles.

Ainsi, au premier conflit interne au manageur s’en superpose un second. Il ne provient pas d’une cohérence interne au système, mais à la pression externe qui s’exerce sur l’institution dont il a la charge.

La multiplication des règlementations, le cadrage des actions par une compilation des procédures, le continuel développement à coût constant, le tout dans une structuration horaire au cordeau, structurent le système.

Le contexte devient « un air du temps » qui, avec ses mille bonnes raisons, fait souffler un vent de taylorisme.

En conséquence, pour aller dans le sens de ce que réclament les politiques publiques, le responsable d’une structure du social doit donc assumer une double tension : l’une en son for intérieur, l’autre face aux injonctions externes.
Autant dire que la pensée d’un autre type de management s’éloigne, tant il demande une certaine force personnelle pour mettre à distance des effets de personnalité et une volonté certaine de ne pas épouser la conformité prescrite par un contexte dominant [...]

2) De la double tension à un autre style de management


La question devient alors celle d’un autre style de management, un style qui ne fait pas du responsable institutionnel la « caisse d’enregistrement » de ce qui se fait ou ne se fait pas, un responsable qui lâche le contrôle et surtout la volonté de maîtrise à propos de tout ce qui se passe dans l’institution.

Quel management concevoir, pour que chaque acteur, accompagnant ou accompagné, soit appelé à développer ses capacités d’agir ? Un autre paradoxe apparaît : on ne rend pas les autres autonomes.

Ni la participation ni l’autonomie ne relèvent d’une pression externe à l’acteur (hétéronomie). On peut solliciter, inviter, créer les conditions qui favorisent, mais on ne peut réclamer ou contraindre. Nous sommes bien à la racine du problème. Comment penser une institution, qui par définition tient un ordre (des places, des obligations et des rétributions), en fonction du portage d’une dynamique qui éveille, invite, stimule sans jamais contraindre ?

Nous voici sur un chemin peu pratiqué dans notre culture occidentale : il s’agit d’être jardinier et non plus mécanicien. On ne tire pas sur les fleurs pour qu’elles poussent ! Par contre, on crée les conditions, on prend soin au point de savoir quel est le bon moment pour arroser, quelle quantité d’eau favorise un développement, quelle protection renforce les racines, quelle ombre nécessaire et quelle lumière bénéfique, etc. Il ne s’agit pas tant d’intervenir, de « trancher », que de porter en creux ce qui va permettre une optimisation de la floraison. Jusqu’à cette limite : il n’y a rien à rejeter, tout entre en recyclage, chaque élément est reconnu dans sa fonction, même le doryphore.

Pour cela le jardin a son organisation. Et la permaculture est organisée, même si sa configuration n’a pas la géométrie cartésienne du jardin à la française. Dans un jardin, le laisser-aller n’a jamais donné de fruit ; il s’agit de laisser faire.

À l’époque où j’avais la direction de la MAS Bellevue, il y avait, affichée sur un mur de mon bureau, cette affirmation confucianiste : « À côté du noble art de faire faire les choses par les autres, il y a celui, non moins noble, de les laisser se faire toutes seules. »

Pour le dirigeant, « laisser les choses se faire toutes seules » le met à l’épreuve, une épreuve qui concerne sa capacité à faire confiance. Car cela réclame de s’en remettre à l’autre ; quelque chose qui fait institution revient à l’autre au point de dépendre de lui. Et là tout vaut, même les faux pas, même les erreurs pourvu que cela soit regardé, repris dans un mouvement réflexif qui ne soit pas synonyme de jugement négatif. Tension supplémentaire pour le manageur donc : s’en remettre à l’autre, à chaque autre singulier qui compose l’institution. C’est-à-dire qu’il lui soit possible d’être autre, autrement que l’idéal d’acteur pensé implicitement par la part instituée de l’institution. La confiance, c’est le regard accueillant de l’autrement capable, de l’autrement réalisable, du faire et penser autrement.

La confiance, comme la méfiance, est contagieuse, et l’une autant que l’autre. Radicalité : il n’y a pas d’entre-deux. Aucun répit dans cette orientation de fond. La confiance ne peut être aveugle, puisque les choses qui se passent doivent être regardées sans fuir aucune inquiétude. Être confiant, c’est se fier à l’autre qui, par définition, ne coïncide pas aux représentations que l’institution se fait de ses acteurs. La singularité dérange ce qui est programmé et le côté reproductif de l’institution, qui tend à refuser que les lignes bougent. Et lorsque l’institution s’intéresse au singulier de chacun, chaque nouvel accueil, chaque nouvelle embauche apporte sa fraîcheur et sa nouveauté. C’est de la contribution de chaque un et chaque une, singulier à chaque fois, que l’institution tient sa bien-portance.

Bien porter la singularité, la renforcer dans sa participation, la reconnaître dans ce qu’elle apporte d’unique est le propre d’une institution soucieuse d’un permanent instituant articulé à l’institué (au sens de Castoriadis).

Et à bien regarder les choses, il arrive que la confiance soit trompée par une occasion ou par un individu. Et cela donne un argument au management crispé qui cherche à se créditer. Mais justement, à quitter un imaginaire idéalisant, ce ne sont pas ces quelques écarts (dont certains ne sont pas délibérés) qui mettent en péril une posture capable de confiance. L’inquiétude reste intacte.

3) Les conditions institutionnelles d’un « laisser les choses se faire toutes seules »

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